J’me rendais juste à l’Opéra…

30 septembre au soir et je vais à l’Opéra.
Ravie de pouvoir m’épanouir culturellement, même sur une île peuplée majoritairement par des « sauvages », je me suis précipitée sur ce qui pouvait être sympa durant le Festival de la Culture.
Carmina Burana c’est pour aujourd’hui et je m’impatiente…

Voyant l’heure déjà tardive, on me propose de m’accompagner ! Chouette, me dis-je, quelle chance ! Je me voyais déjà suante, et happant l’air comme un chien asthmatique, en jean et baskets devant le théâtre municipal de Nicosie. Pour le coup ça faisait mauvais genre, et j’évite donc ce désagrément grâce à la gentillesse d’un collègue de bureau.

Quelques minutes nous suffisent en voiture –c’est tellement commode- pour arriver au lieu-dit.
Ahem ! Mmmm… pourquoi c’est tout noir à l’intérieur? C’est bizarre, personne devant le bâtiment ?!? Ouaa c’est joli ce théâtre avec ces petites colonnes… Les portes sont fermées …>_<
Etant l’assistante du conducteur, et l’ayant conduit jusqu’ici, j’me sens un chouilla mal à l’aise… Putain, c’est pas là ! (Première phrase qui me vient à l’esprit)
La deuxième phrase est pour le chauffeur intrigué : « Hem Hem Euu… tu bouges pas j’vais j’ter un coup d’œil… » Je me lance, donc, traverse la route au pas de course et trouve l’affiche concernant mon spectacle :
CARMINA BURANA AMPHITHEATRE MAKARIOU III ! Aaaarghhh !!

Alors là c’est vraiment la mouise ! Mais d’où que ça se passe dans un amphithéâtre d’abord, et comment n’ai-je pas penser à me renseigner un peu plus ?
Il n’y a bien évidemment pas une seule indication sur ce fichu amphithéâtre, tout bon Chypriote devant savoir où il se situe.

Je retourne vers mon cher collègue, qui en profite pour s’en griller une. Ça lui évite de lancer une réflexion méritée et bien pensée sur ma connerie, et sur ma capacité à l’embarquer dans des situations périlleuses… pour une fois je bénis la clope !
« Bon euh, alors, cesdansunamphijaipaladressejvaivoiraubar »
Je me précipite dans le bar trendy qui se trouve juste à côté et évite, par la même occasion, de voir la tête désespérée de mon partenaire de galère.

Retranscription en Français, de l’entrée en matière :

Moi : « Kalispera, vous savez où se trouve l’Amphithéatre Makariou III ???? »
La dame du bar : «Oui bien sûr, vous connaissez l’église Agios Dimitrios ? »
Moi : « Non »
La dame du bar : «Vous connaissez l’école pour les sourds ? »
Moi : « Non » … c’est bien parti…

Après bien des explications hasardeuses, je finis par comprendre ses indications, ouf !
Je me précipite… bordel c’est déjà 20h10, plus que 20 minutes pour trouver ce satané amphi.
Je monte en deux-deux dans la voiture, oblige mon chauffeur à démarrer en trombe, lui donne l’indication… 5 minutes plus tard on se retrouve paumé au milieu de nulle part… on n’a pas dû repartir dans la bonne direction…

Paniquée, le visage et les ongles rongés par le stress, j’évite le : « MAIS PUTAIN T’AURAIS PAS PU FAIRE ATTENTION, TU VEUX QUE JE RATES MON CONCERT C’EST ÇA !!! » De là à ce qu’il me dépose au milieu de nulle part (à savoir là où nous sommes) il n’y a qu’un pas, et j’préfère pas prendre ce risque.

Nous traversons un pont, un village, passons devant une église… manque plus que les chèvres… :( les pauvres locaux voient s’arrêter une furie qui leur hurle : « VOUS SAVEZ COMMENT ON VA A NIKIS STREEEEEET ??? »

Finalement on se démerde, on trouve Nikis (20h25), « Après l’église à droite, hein t’oublie pas après l’église à droite… » J’suis encore plus insupportable stressée…
L’intéressé tourne à droite et on atterrit… à l’hôpital >_< (véridique)
Route barrée par les flics et là soulagement car, à moins d’une évasion de malades enragés, ça doit certainement être à cause de la représentation. Big smile espoir permis. J’libère mon doigt agonisant sous les crocs acérés.

Au loin un couple guindé marche dans un chemin sinueux… Ma proie !
« Bon j’te laisse là, j’les suit, merci, euh à plus, chao!», et me voilà fonçant derrière le pauvre couple apeuré : « Hello, kalispera, Guten tag, vous allez à l’Opéra ?? »
Le couple surprit hésite entre me remettre aux mains des flics et me répondre, adopte la deuxième solution à la vue de mes grands yeux innocents « oui » me disent-ils.
Aaaallleluïa ! Aaaallleluïa ! (Imaginez les angelots et le son de cloche céleste)

Je les suis donc, pleine de reconnaissance, pénètre dans l’antre submergé (vite lâchée par mon p’tit couple), et découvre dans ce décor enchanteur orné de grenadiers, un amphithéâtre à ciel ouvert.

J’me suis retrouvée installée, le cœur battant la chamade, plus d’ongles à la main gauche, culpabilisant d’avoir « maltraité » mon conducteur, et sans téléphone portable oublié dans la précipitation.

J’me rendais juste à l’Opéra…